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Red Planet / L'impatience

image © Daniel Jacquet

On peut se demander pourquoi ce groupe s'appelle Red Planet, c.-à-d. Planète rouge alors que sa musique n'a rien de martien ni de martial, mais, au contraire, elle semble bien enracinée dans la Planète jazz, laquelle a bien plus d'une couleur à sa palette. La musique de Red Planet est, elle, pleine de couleurs diverses et variées, amenées par la diversité du jeu des musiciens qui composent le groupe, une diversité qui, par ailleurs apporte un grain de sel à sa profonde unité. Ce CD qui a pour titre «L’impatience» commence par une composition du pianiste Mathieu Rossignelly: «Deux façons de voir la vie parmi d'autres», qui permet au saxophoniste Gesseney de posément, mais puissamment, s'exprimer en longueur sur une série de rythmes latinisants et swinguants, L’autre soliste du morceau est le contrebassiste, lui aussi remarquable. Puis c'est le tour de Gesseney, l'autre leader du groupe, d'offrir une composition nocturne mais animée : «Papillon de nuit» plus loin il donne aussi dans «L’errance crépusculaire». 

L’auditeur commence à se dire qu'il est confronté à un groupe hautement professionnel dont les racines et radicelles s'enfoncent dans cette espèce de couloir central du jazz des quarante dernières années représenté, par exemple, par John Coltrane et Wayne Shorter, instrumentistes autant que compositeurs, Ce sentiment est confirmé par tout ce qui suit: l'enracinement est là, mais il est débordé par une certaine impatience des quatre complices à montrer leur originalité. Comme dans un autre morceau de Rossignelly: «Quartes sur table», lequel, hormis le subtil jeu de mots, ne cache pas sa parenté avec l'un des «Milestones» de Miles Davis et autorise une vue fort animée de la carte des quartes, Une animation due au jeu léger, sinueux et énergique des rythmiciens Hagmann et Duval. Dans «The "Y" Song» on remarque un élégant et incisif solo de Rossignelly sur ce morceau composé par Manu Hagmann. Puis vient «L’impatience», qui porte bien son titre, de Gesseney: tempo et phrasé rapides des musiciens, cela se voit dans les échanges alto-batterie et dans le solo de batterie qui suit. L’impatience se clôt sur un méditatif «Dear John» que l'on peut supposer être un hommage à John Coltrane, où s'expriment dans de fort beaux solos l'alto, le piano et la basse avec, à la fin, des interventions quasi-solistes de la batterie. Un disque réussi, que nous laissons le sourire aux lèvres et à l'âme.


Norberto Gimelfarb
Viva la Musica n°307 / sep. 2009

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